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Général Lakana Santé

Pour une recherche durable au Mali

J’ai passé la majeure partie de mon temps ces trois derniers mois sur le terrain, dans des régions rurales du Mali, à essayer de mettre en place quelques-uns des essais cliniques phares du CVD-Mali.

J’ai également travaillé sur nos projets de recherche COVID-19, et participé à la formation et le développement des compétences de tout un groupe de travailleurs de santé, dont l’expertise et cruciale pour chacun de ces projets.

Ça a été une période difficile – il y a beaucoup à faire et le travail dans le contexte d’une pandémie mondiale entraîne des problèmes au-delà de ceux auxquels on fait face d’habitude. Nous avons fait tout ce que nous pouvons pour que tous nos collègues et tous nos volontaires de l’étude puissent participer aux projets vitaux de CVD-Mali sans compromettre leur propre santé.

C’est toujours un plaisir pour moi de retourner sur le terrain. J’y ai commencé ma carrière, il y a maintenant de nombreuses années, et même si j’ai passé une bonne partie du temps dans des bureaux aussi, c’est sur le terrain que je me sens chez moi.

Le travail y est souvent fatigant et les journées sont toujours longues. Mais ce travail est indispensable pour le CVD-Mali. Être capable de communiquer à un chef de village pourquoi nous menons nos recherches, pourquoi nous faisons comme ci et non pas comme ça, et parler des avantages potentiels d’une intervention n’est pas seulement un exercice de relations publiques, c’est un principe fondamental de recherche menée localement, pour le profit direct de la population sur place.

Nous avons, bien entendu, un certain nombre de partenaires techniques et de structures de soutien qui restent essentiels pour nous et nous adhérons, évidemment, de façon stricte aux normes éthiques mondiales et aux bonnes pratiques cliniques. Quand nous arrivons dans des zones comme Koutiala, Sikasso, Kita, Kayes, Koulikoro ou Ségou, c’est parce que ce sont les intérêts des personnes de ces communautés-ci qui priment avant tout.

Les personnes les mieux placées pour servir les intérêts et les besoins des communautés … sont celles qui peuvent travailler au sein de ces mêmes communautés

Prof Samba Sow

Aujourd’hui, dans le domaine de la santé mondiale, on parle de plus en plus d’ « appropriation par les pays » des initiatives de santé. Cette phrase peut sembler du jargon technique, mais au fond se trouve une vérité simple et profonde : c’est-à-dire que les personnes les mieux placées pour servir les intérêts et les besoins des communautés d’un pays sont celles qui peuvent travailler au sein de ces mêmes pays et communautés, qui connaissent leurs habitants et qui travailleront avec eux pour qu’ils puissent orienter eux-mêmes de façon appropriée les interventions dont ils ont besoin pour rendre leur vie et leur santé meilleures.

Nous devons permettre aux personnes directement concernées de jouer un rôle actif dans la transformation de leurs communautés et de leurs vies

Prof Samba Sow

Les objectifs de développement durable de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne seront satisfaits que de cette manière ; des pays, des populations et des personnes œuvrant pour le changement, village par village, communauté par communauté.

Telle doit être notre manière de fonctionner. Telle doit être la manière dont les partenariats internationaux et les cadres mondiaux s’élaborent. Nous devons permettre aux personnes directement concernées de jouer un rôle actif dans la transformation de leurs communautés et de leurs vies.

De plus, une telle approche est bonne pour tout le monde. Une recherche contextuelle est une meilleure recherche et conduit à l’établissement de priorités plus efficaces. Elle permet des mécanismes plus solides et comble les lacunes qui ne peuvent être identifiées que localement.

Au nom de CVD-Mali, je suis fier de défendre les droits des pays à développer et renforcer leurs capacités de recherche. Je voudrais que les scientifiques du Mali prospèrent, les femmes en particulier. Je veux qu’ils et elles aient des carrières florissantes dans les institutions maliennes, afin d’inspirer à leur tour leurs fils et filles à travailler pour leurs communautés. Et cela nécessitera, bien entendu, des changements dans les modèles de financement internationaux actuels. Je suis fier, alors, de plaider pour des structures de soutien qui permettront aux pays de répondre eux-mêmes à leurs propres questions de recherche.

Mon Mali bien-aimé, comme tant d’endroits similaires, se trouve à un moment critique. La pandémie du COVID-19 et l’incertitude plus généralisée ont mis en péril des progrès durement gagnés. Les taux de mortalité infantile et maternelle restent bien trop élevés au Mali – et ils pourraient encore grimper. Les soins de santé primaires sont plus fragiles que jamais ; des dispositions de base telles que la vaccination, la planification familiale et la nutrition sont gravement affectées.

Nous ne pouvons pas permettre que cela continue. J’espère vivement que le soutien des partenaires et des bailleurs de fonds permettra à des pays comme le mien de faire avancer leurs propres programmes de recherche, qu’ils puissent apporter par eux-mêmes les changements dont ils ont tant besoin.

Samba O. Sow, Directeur général du CVD-Mali