La pandémie de COVID-19 en Afrique est arrivée à un point critique. Nous constatons une augmentation du nombre de décès et des systèmes de santé débordés, dans des pays qui manquent souvent d’infrastructures pour enregistrer les cas et y répondre correctement.
Je vois sur le terrain les conséquences de tout cela – sur les communautés, les travailleurs de la santé et les populations vulnérables. L’Afrique de l’Ouest est confrontée également à d’autres épidémies : outre le COVID-19, nous avons une épidémie de sécurité ainsi que la menace d’une autre épidémie d’Ebola. Le COVID-19 nous a laissés exposés et cela augmente les chances que d’autres menaces sanitaires nous débordent, mettant en péril des années de progrès.
Mais il y a des pousses d’espoir aussi. L’incroyable efficacité avec laquelle les vaccins COVID-19 ont été développés n’est pas négligeable– et cela montre qu’une collaboration mondiale est tout à fait possible. On aura besoin de ce même esprit de collaboration alors que nous passons maintenant à l’étape critique de mise en œuvre de ces vaccins.
Engagement et communication auprès des communautés
Notre succès dans la lutte contre la pandémie à l’échelle mondiale dépendra de notre capacité à vaincre le virus partout – y compris dans la région complexe et fragile du Sahel.
Au cours de ma carrière sur le terrain, et au cours de toutes mes expériences dans la vaccinologie, j’ai compris que le succès de tout vaccin et de son déploiement commence et se termine avec la communauté. L’importance d’une communication efficace ne peut jamais être sous-estimée. Cela est plus que jamais vrai aujourd’hui alors que nous constatons les effets de l’infodémie qui a accompagné la pandémie clinique.
Par exemple, lors de l’essai du vaccin Ebola, on constatait que certaines communautés croyaient que nous étions venus su place les infecter – ce qui a parfois mis nos propres vies en danger. Il a fallu du temps, de la patience et une collaboration étroite avecces communautés pour surmonter craintes et malentendus. Les vaccins contre le COVID-19 nécessiteront la même patience et le même engagement communautaire pour assurer l’acceptation du vaccin.
Toute campagne de vaccination doit également s’appuyer sur un système de santé communautaire solide. Plutôt que de passer d’une crise sanitaire à l’autre, nous devons maintenant investir correctement dans nos systèmes de soins de santé primaires. Nos réseaux communautaires sont les mieux placés pour identifier les personnes à risque ; c’est le personnel qui vie dans sa communauté et qui travaille à son service qui va pouvoir sensibiliser les populations et leur administrer le vaccin.
Profitons de ce moment pour commencer à investir dans des systèmes de données solides qui rendront nos systèmes de santé plus résistants aux futures crises
Prof Samba Sow
Un aspect essentiel de cette question concerne les données. Je crains que nous ne comprenions pas encore assez bien la portée du COVID-19 en Afrique, en raison de failles dans nos systèmes de déclaration et qu’il y ait des décès non déclarés dans la communauté. Si nous voulons atteindre les communautés les plus vulnérables au COVID-19, nous devons comprendre qui sont ces personnes et où elles se trouvent, et nous assurer que leurs vaccinations sont enregistrées – surtout si une deuxième dose est nécessaire. Profitons de ce moment pour commencer à investir dans des systèmes de données solides qui rendront nos systèmes de santé plus résistants aux futures crises.
Je sais que la logistique sera également problématique. Mais je sais aussi que l’Afrique a pu assurer des campagnes massives par le passé et suis convaincu que nous relèverons le défi cette fois-ci encore. Je demande simplement, une fois de plus, que nous veillions à ce que les investissements dans les campagnes de vaccination COVID-19 nous permettent également de créer les bases, dans toute l’Afrique de l’Ouest, qui nous permettront de voir naître de cette terrible pandémie quelque chose de positif et durable à l’avenir.
L’équité en matière de vaccins est non-négociable
Tout cela dépend toutefois de la disponibilité des vaccins – et c’est peut-être la question la plus fondamentale à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui. Les discussions sont en cours pour garantir que tous les pays reçoivent leur juste part du stock mondial de vaccins et pour éviter que les pays riches puissent stocker des vaccins alors au détriment d’autres pays plus pauvres.
L’installation COVAX, dirigée par l’OMS, est une initiative mondiale visant à garantir un accès rapide et équitable aux vaccins COVID-19 pour tous les pays, quel que soit leur statut économique. Cette initiative est cruciale, non seulement pour permettre aux pays à faible revenu d’accéder aux vaccins, mais aussi pour que la communauté mondiale montre son engagement envers le principe fondamental d’équité.
En fin de compte, l’épidémiologie est un plaidoyer pour cette équité. Un engagement en faveur d’équité des vaccins est important pour des raisons d’égalité et de justice – mais c’est aussi un facteur non négociable pour mettre fin à la pandémie.
Aucune population, aucun pays ne sera en sécurité tant que tout le monde, et tous les pays n’auront pas été vaccinés.
Samba O Sow, Directeur général du CVD-Mali