Le professeur Samba Sow et les autres envoyés spéciaux de l’OMS sur le COVID-19 ont récemment publié un important appel en faveur de l’équité vaccinale dans de nombreuses publications mondiales.
Leur analyse est disponible en arabe, en espagnol et dans d’autres langues. Elle a été publiée en anglais dans le journal The Guardian, ici. Le texte français est présenté ci-dessous.
Ce qu’il nous faut maintenant, c’est une approche double de la COVID-19 pour sauver des vies.
Le monde assiste à l’émergence de variants plus infectieux du SARS-CoV-2, mais, dans une course en dents de scie menée pour garantir un accès équitable aux vaccins, une poignée d’États ont pris de l’avance en vaccinant leurs propres populations et en laissant derrière eux de nombreux pays vulnérables de la planète.
L’impatience et la lassitude s’emparent des communautés, ce qui est compréhensible. Cependant, l’assouplissement des mesures de santé publique de base, comme le port du masque et la distanciation physique, risque de perpétuer la transmission. Le cocktail que composent les nouveaux variants plus infectieux et l’attitude du « moi d’abord » affichée par certains pays fait courir de plus en plus de risques aux non-vaccinés et aux personnes qui n’ont reçu qu’une seule dose de vaccin.
La situation mondiale est périlleuse et nous, les envoyés spéciaux du Directeur général de l’OMS, lançons un appel à l’appui d’un engagement renouvelé en faveur d’une approche globale pour vaincre cette pandémie. Deux éléments de notre action doivent aller plus vite : l’un où les gouvernements et les fabricants soutiennent tous les efforts déployés par les États Membres de l’OMS pour accélérer la mise en place d’une capacité de fabrication de vaccins et la vaccination de leurs populations les plus vulnérables, et l’autre où les individus et les communautés continuent de suivre scrupuleusement les mesures de santé publique essentielles pour briser les chaînes de transmission.
Le premier élément passe inévitablement par la mise en œuvre immédiate des appels que l’OMS et ses partenaires du Mécanisme COVAX n’ont cessé de lancer pour que les vaccins soient utilisés au mieux. Ainsi, près de 3 milliards de doses de vaccin ont été distribuées dans le monde, mais 90 millions d’entre elles seulement sont passées par le COVAX. Or, 60 pays au moins dépendent de ce mécanisme pour les vaccins et les taux de vaccination y sont en moyenne inférieurs à 3 %. La communauté internationale doit mettre en œuvre une stratégie aux niveaux mondial, régional et national dans le cadre de laquelle les vaccins vont en premier lieu aux plus vulnérables, de manière à ne pas exposer les agents de santé, les personnes âgées et les personnes souffrant d’affections sous-jacentes à un risque de développer une forme grave de la maladie.
Il s’agit également de soutenir l’appel de l’OMS à vacciner au moins 10 % de la population de chaque pays d’ici septembre et à donner un coup de collier d’ici décembre pour que 40 % de la population soient vaccinés à la fin de 2021. Pour atteindre notre objectif de septembre et sauver des vies, 250 millions de personnes supplémentaires doivent être vaccinées dans les pays à revenu faible ou intermédiaire en seulement quatre mois, la priorité allant à tous les agents de santé et aux groupes les plus à risque.
Ces objectifs s’inscrivent dans la logique de l’audacieuse initiative prise par l’OMS, le Fonds monétaire international, l’Organisation mondiale du commerce et la Banque mondiale afin de solliciter un renforcement de 50 milliards de dollars É.-U. des financements, de manière à vacciner 40 % de la population mondiale d’ici la fin de l’année et 60 % pour le milieu de 2022. Un tel investissement est dérisoire au regard des milliers de milliards de dollars de pertes économiques et de coûts imputables à la pandémie.
L’OMS continue de s’employer à mettre à la disposition du monde entier des vaccins et d’autres outils efficaces et sans danger. Cela va de l’octroi d’une autorisation d’utilisation d’urgence pour onze vaccins jusqu’au lancement du Dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la COVID-19 – chargé de stimuler la mise au point de solutions et l’accès à ces dernières pour diagnostiquer, traiter et vacciner les personnes vulnérables dans tous les pays –, en passant par la possibilité pour les pays en développement d’établir leur propre capacité de fabrication de vaccins. L’investissement dans la capacité de fabrication et de diagnostic, la capacité de séquençage du virus, la surveillance renforcée des cas et d’autres mesures sont des éléments essentiels pour maîtriser cette pandémie.
Les pays qui ont les plus grands stocks de vaccins ne devraient pas les thésauriser et insister pour couvrir l’ensemble de leur population alors même que d’autres pays doivent s’en passer. Ce faisant, ils n’agissent même pas au mieux de leurs intérêts, car la circulation intense du virus dans les pays dépourvus de vaccins augmente la possibilité de voir apparaître des variants plus contagieux et plus dangereux, avec la menace de rendre les vaccins actuels moins efficaces.
Parallèlement à cela, le monde ne doit pas perdre de vue le deuxième élément, qui veut que chacune et chacun renouvelle son engagement à se protéger et à protéger les autres en continuant de respecter le port du masque, la distanciation physique, la ventilation et d’autres mesures qui ont fait leurs preuves pour freiner la propagation du virus. Il est primordial de collaborer avec les communautés, d’instaurer la confiance et de donner aux gens les moyens de sentir qu’ils font partie intégrante de la riposte pour les encourager à continuer, même plus d’un an après le début de la pandémie.
Il y a urgence à sauver des vies. Le monde a l’obligation morale de le faire. La solidarité mondiale – même alimentée par l’intérêt égoïste d’enrayer l’émergence de nouveaux variants – est plus que jamais nécessaire. Prôner activement une double approche pour garantir que les plus vulnérables se font vacciner et appliquer des mesures de santé publique éprouvées, mais aussi interpeller ceux qui pourraient en faire davantage : c’est cela qui profitera au monde entier et qui permettra de sauver des vies. Personne n’est en sécurité tant que tout le monde ne l’est pas.
Auteurs
- Professeure Dre Maha El Rabbat : Envoyée spéciale du Directeur général de l’OMS pour la Méditerranée orientale
- Dr David Nabarro : Envoyé spécial du Directeur général de l’OMS pour l’Europe et l’Amérique du Nord
- Dr John Nkengasong : Envoyé spécial du Directeur général de l’OMS pour l’Afrique (anglophone)
- Dre Mirta Roses : Envoyée spéciale du Directeur général de l’OMS pour l’Amérique latine et les Caraïbes
- Professeur Samba Sow : Envoyé spécial du Directeur général de l’OMS pour l’Afrique (francophone)
- Dr Palitha Abeykoon : Envoyé spécial du Directeur général de l’OMS pour l’Asie du Sud-Est.